vendredi 15 octobre 2010

GaelLE

je me nomme donc je suis…


Ce dont il est question ici n’est pas de savoir comment je me définis en général mais plus précisément comment JE me définis dans mon/mes genres et dans ma sexualité.
Se définir peut paraître désuet, cependant cela m’est devenu indispensable parce que depuis toujours on me colle des étiquettes qui ne m’appartiennent pas. CertainEs préféreront nier l’existence même de ces étiquettes. J’ai moi-même tenté d’en faire abstraction… Pourtant, ne pouvant les détruire complètement, j’ai fait le choix de m’en emparer pour mieux les remanier et ainsi me les approprier. J’ai pris le soin de penser mes identités au lieu de laisser d’autres instances s’en charger !
Je ne critique ni ne fais l’apologie d’aucune identité ou parcours de vie en particulier. Ce dont il est question ici, c’est de ma propre conscience et appropriation de mon genre et de ma sexualité ! Du pourquoi et comment il s’est imposé à moi le besoin de décortiquer et remettre en question les processus de normalisation et de domination…


Tout d'abord je tiens pour entendu que genre et sexualité sont deux notions différentes et dissociables... Le genre n’assigne pas l’individu à une sexualité et inversement.


Ma première prise de conscience fut que j’étais attirE par certaines femmes. Le premier mot que j’ai trouvé pour nommer cette préférence sexuelle était « homosexuelle » ! Ce terme m’a vite irritE parce que tout droit sorti de manuels médicaux et que je ne me sens pas malade !! (si ce n’est un gros rhume en ce moment J). J’ai découvert avec cette attirance toute une culture voire une contre culture alternative à la culture hétéro normée. Monique Wittig affirme que « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Voila donc une dénomination qui me convenait mieux ! Lesbienne ! Ce mot qui auparavant avait résonné comme une insulte devenait une alternative, ce mot donnait vie à ce que je ressentais ! Je n’étais moi-même pas une femme, je ne m’inscrivais pas dans le système hétéro-codé, j’étais donc une lesbienne, une identité autre et guerrière !
C’est en ce sens que je me revendique lesbienne, c’est d'ailleurs plus une question d’identité visible que de sexualité à proprement parler !


A force de me faire traiter de gouine, j’ai décidé de chercher l’origine de cette insulte. J’ai appris qu’à la base, celles qui étaient désignées comme telles étaient les femmes de mauvaise vie, les détracteuses de la morale judéo chrétienne. Autrement dit : les putes, les homosexuelles, les femmes légères, les femmes insoumises etc etc…
Alors je suis bel et bien une gouine !! Les gouines ont eu un impact important dans l’histoire et qui plus est dans l’histoire du féminisme ! J’ai donc appris a répondre « merci » lorsqu’on m’invectivait avec ce terme plutôt qu’à m’insurger du caractère pseudo insultant de celui-ci ! Parce que je suis gouine et très fière de l’être !! Je donne un sens politique très puissant à ce mot : il permet de visibiliser et de donner vie à une culture faites de combattantes !!


Dans la sphère du privé l’orientation sexuelle est plus difficile a appréhender.
Etre gouine signifie-t-il aimer le genre féminin ou aimer un corps assigné femelle ?
CertainEs se demanderont s'il n’est pas opposé de se revendiquer gouine lorsqu’on baise avec des bucths, FtM, FtU, FtX… qui remettent justement en question leur féminité et/ou leur corps bio… A chacunE de répondre a cette question ! Ce qui m’importe c’est le sens politique et historique du terme, pas ce que chacunE fait dans sa sexualité et avec qui...


Alors, je suis lesbienne, gouine mais certainement pas homosexuelle ! Et je serai même pédé tant que ces contres-sexualités seront remises en questions !!


Je suis nE dans un corps aux apparences féminines, en gros j’ai un vagin et des seins. J’ai donc été assignE à femelle et j’ai été élevE en tant que telle ! Et oui on n’élève pas un garçon et une fille de la même manière, d’où l’importance de savoir dès le premier cri (voir avant) ce qu’il en est !
Toute ma vie, on m’a étiqueté « garçon manqué », alors que moi-même je n’avais que faire d’être une fille ou un garçon ! Je ne pensais pas encore ces questions de genres, de rôles pré-attribués, de dominations, que déjà on m’avait enfermé dans une case ! A la base je n’imaginais même pas qu’un jeu, un vêtement, un langage, un sport ou même une sexualité puisse être genré et que les frontières soient à ce point intransgressibles ! Cependant je me tournais la plupart du temps et ce sans le savoir vers ce qui était du domaine des garçons. Et cela faisait donc de moi un « garçon manqué » ; autrement dit une anomalie dans le système, un « ratage » ni plus ni moins ! Alors je me suis posE la question de ce qui fait l’homme et la femme, pour enfin savoir à quel bord j’appartiens.
Peut-être étais-je transexuel ? Une réassignation pourrait me changer en « garçon réussi » à défaut d’être une fille comme il faut ?? Peut-être même n’étais-je pas une vraie lesbienne comme certainEs me l’ont dit…, mais simplement un homme hétéro coincé dans le corps d’une femme ?? (merde si ça avait été le cas il m’aurait fallu re-faire un coming out a l’envers J). Je me mis alors en quête de tout ce qui concernait la transsexualité et lu d’abord nombre d’études sur le «transsexualisme». Colette Chilland par exemple et autres psychiatres ou soit disant expertEs de la question. Berk berk berk !!! Je ne me sentais atteintE d’aucun syndrome ou dysphorie et d’ailleurs si la société ne m’avait pas seriné que j’avais un mauvais genre, je ne me serais peut-être jamais posé la question. Je compris donc que c’est straight land qui est malade pas moi et pas les personnes trans-identitaires !


Alors je me suis intéressE au mouvement Queer, parce que cette pensée remet justement en question les normes de cette société malade au lieu de nier les diversités !
J’ai appris avec Foucault la différence entre sexe et genre ; nature et culture. Grâce à Judith Butler, j’ai compris que le genre quel qu’il soit, relevait plus d’une performance que d’un état naturel et donc intouchable ! J’ai pu mettre des mots sur quelque chose que je savais déjà ; il n’y a pas que deux genres uniques et opposés mais tout un pannel !! Je ne suis donc plus obligE de m’appliquer à être l’un ou l’autre !!!!
Harraway m’a ensuite amené cette image du cyborg... Le cyborg manifesto nous emporte bien plus loin que le genre ou la sexualité... IEL réunit en lui-même l’organique et le mécanique la nature et la culture. Le cyborg peut avoir n’importe quelle forme, apparence, appartenance, identité et ce en dehors des critères normés de genre, de sexualité, d’origine ethnique, d’état de santé, d’aptitudes physiques ou mentales... Alors je ne suis plus une anomalie ou celle-ci porte le nom de Cyborg !!
Preciado et d’autres (mais la liste serait trop longue et je fais déjà de gros résumés sur les différentes pensées evoquées), ont mis en évidence les systèmes de pouvoir et d’inégalités que produit et cautionne straight land. Je suis peut-être une anomalie dans leur système mais je découvris que ce système était construit de toute pièce et qu’il appartenait à chacunE de prendre le pouvoir !!! Je me sentis enfin le droit d’exister au lieu de m’évertuer à afficher une apparence « passable » afin de me protéger des violences et injonctions de straight land ! Dans ma manière de concevoir le monde et dans mon rapport à l’autre je me sentais tout à fait à l’aise dans ce que produisait la pensée Queer !
Dans mon genre je me sentais enfin exister et légitime. Je ne suis certes pas transsexuel... Je ne me sens pas plus homme que femme. Je suis butch, transgenre, genderfucker etc, je ne souhaite pas aller d’un point à un autre. Je ne me situe pas non plus dans un entre deux, puisque je ne reconnais pas de valeurs ou de légitimité à la bi-polarité homme/femme. Je suis autre chose ; un genre en perpétuel construction, flexible, évolutif. Ce que je fais de mon corps m’appartient et il m’appartient donc d’en concevoir et d’en assumer les modifications ou pas ! Aucune instance ou personne si érudite ou spécialiste du genre soit-elle, ne devrait avoir le droit de choisir a ma place !


M’autodéfinir m’a permis d’être plus sereinE avec moi-même et de mieux affronter les injonctions. J’ai à présent des mots pour me définir tout du moins pour définir une part de moi à un moment donné ! J’ai des outils, des armes pour combattre, je ne subis plus la norme ; je la décortique l’écartèle, la déconstruit pour la remettre à sa place de simple construction sociale, de simple outil de pouvoir, au lieu de la tenir pour vérité unique. A chacunE SA vérité et à chacunE son identité !! La norme est discutable, pas l’identité puisqu’elle appartient à chacunE de nous en propre!!


Alors, en fonction du contexte, je serai lesbienne, gouine, butch, transgenre, genderfucker… Parce que je suis tout ça à la fois et bien d’autres choses aussi !! Je continuerai de revendiquer ces identités tant que leur réalité ne sera pas reconnue et appréciée au même niveau que des identités plus normées !
Puisque notre langue écrite applique toujours un sexisme flagrant dans sa grammaire, j’utiliserai une grammaire re-pensée et a-genrée pour ce qui me concerne. Parce que je ne comprends pas la pertinence d’une grammaire genrée, binaire et sexiste ! A l’oral je choisirai le pronom féminin pour me nommer a défaut de pronom a-genré prononçable ! Ceci est un choix personnel, à choisir je me reconnais plus dans les luttes féministes et cela permet aussi de faire la balance dans une grammaire ou le masculin prévaut sur le féminin.


Je suis et nous sommes toutEs bien plus qu’un genre et une sexualité. Pourtant ces parties de nos identités sont encore niées, dévalorisées, psychiatrisées, agressées ! C’est en se reposant sur ces simples critères que s’opère l’exclusion ! C’est parce que nous ne répondons pas à la norme établie que nous nous retrouvons dans des situations de survie (non accès au travail, au logement, à l’éducation, à la santé, à du lien social etc etc.), voila pourquoi une prise de conscience est nécessaire ! Se conscientiser c’est reprendre le pouvoir et le partager ! Qui que nous soyons, nous existons alors nommons nous !!


Pour ma part je suis unE cyborg !!! J’existe et vous?



GaelLE






gender fucker by queer X

2 commentaires:

  1. welcome in cyborgs'land...les cyborgs de Donna Haraway, de la sf, de nos imaginiares de nos réalités impensables:)

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  2. impensables pour beaucoup..mais les cyborgs sont bien la!!! ;)

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